Pastille radiophonique n°0 : chanter pour la commune

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Pastille n°0 : Chanter pour la commune

La Sol Fa Do La Re Sib Sol Fa Mi Re Do Do

Mymytchell : Ben tu te mets au piano toi ?

Anouk : Je voudrais apprendre à jouer l’internationale pour notre conte musical.

Mymytchell : On travaille sur la Commune de Paris donc toi tu fredonnes l’internationale ? Sais-tu au moins que cet air n’a jamais été chanté pendant la Commune ? Eugène Pottier, son créateur, a bien participé à la commune mais c’est Pierre Degeyter qui l’a mise en musique en 1887, 16 ans plus tard figure-toi !

Anouk : Ah bon ?!

Mymytchell : Eh oui l’histoire est trompeuse et la renommée des choses aussi. Pendant la commune ils chantaient des tas de chansons, mais pas celle-là.

Anouk : Des chansons qui ont été inventées par les Communards pour la Commune ?

Mymytchell : Certaines oui, certaines non. Mais il y a plusieurs choses qui rentrent en compte quand on parle d’invention : les paroles, les sujets, et non moins important, l’air de la chanson !

(Peut-être) pour comprendre ces inventions, il faut reparler de ce que c’est la Commune et de ses inspirations. La Commune est un moment fondateur du mouvement ouvrier moderne. Elle commence le 18 mars 1871 avec le refus de parisiens de laisser le pouvoir central reprendre les canons qui protégeaient la ville contre le siège prussien. Les communards lancent alors l’organisation d’élections dans la ville de Paris. Le 28 mars, la Commune est proclamée officiellement. Mais Paris ville libre est plus qu’une simple autonomie de la ville de Paris, il s’agit pour les Communards d’appliquer les principes de la république sociale, qui avait été tant désirée lors de l’insurrection de 1848. Certains 48huitards sont d’ailleurs encore là, qu’on pense à Charles Delescluze qui sera très important pendant la Commune. D’ailleurs parmi les chansons très à la mode chez les Communards, on peut notamment trouver Le Chant des Ouvriers écrit par le chansonnier Pierre Dupont en 1846. C’était l’hymne de la révolution de 1848.

Le Chant des Ouvriers par Rosalie Dubois (qui n’est pas la version proposée pour la pastille).

Une autre chanson qui sera chantée par la Commune est restée plus célèbre, tu la connais peut-être : La Canaille.

Anouk : Ah oui, « C’est la canaille-aille-aille.. Et ben j’en suis… »

La canaille par Marc Orgeret

Mymytchell : Celle-ci fut popularisée grâce à la chanteuse Rosa Bordas qui la reprendra pendant un des concerts donnés pendant la Commune. Ces concerts étaient d’ailleurs un bon moyen de populariser les chansons. Tu vois, ça c’est une affichette, un tract qui se vendait à Paris à l’époque. [Lecture d’une affiche.] Prix : 10 centimes. Paris et son peuple. Chant patriotique. Paroles de Guillaume de Budt. Air : De la brabançonne ou Le drapeau de la Concorde.

Anouk : Air de brabançonne comme l’hymne belge ? ou Le Drapeau de la Concorde ?

Mymytchell : Alors ça c’est un problème, tu vois, c’est que beaucoup d’airs se sont perdus.

Anouk : Il n’y avait pas encore d’enregistrements ?

Mymytchell : Si, le phonographe existait, mais il n’était pas aussi répandu que ne le sont aujourd’hui les sons MP3. Et puis, il faudrait savoir si on enregistrait les chants révolutionnaires, c’était peut-être réservé à la musique classique.

Anouk : Mais du coup, comment sait-on si on chante bien les chansons ?

Mymytchell : Eh oui. On ne peut pas savoir comment ils chantaient exactement à l’époque, mais est-ce important ? Un historien comme Robert Brécy explique aussi que beaucoup de chansons changeaient d’air. Ce qui importe c’est de chanter parce que ça nous parle aujourd’hui. Tu vois pendant la Commune, il y eut une chanson qui eut son petit succès semble-t-il. Le Chant de l’Internationale. On retrouve des motifs très courants des débats de l’époque :

« Le Capital n’est qu’un esclave, Le vrai roi, c’est le travailleur. »

 

Anouk : Et l’air, tu le connais ?

Mymytchell : On a une partition. On peut essayer de le reconstituer.

Extrait au piano.

Anouk : ce n’est pas génial, c’est peut-être pour ça qu’on l’a oublié.

Mymytchell : Cette chanson n’a pas eu de suite mais son oubli est probablement dû à l’attitude de ses trois auteurs Paul Burani et Isch Vall à l’écriture et la musique d’Antonin Louis, qui ont « trahi » la Commune. Bon cette histoire de trahison mériterait une autre pastille… En tout cas, elle avait fait son temps et d’autres chansons ont pris le relais comme la célèbre Internationale que tu chantais au début. En même temps, je te dis ça mais Paul Burani et Antonin Louis ont écrit une autre chanson, qui elle est restée dans l’histoire. Francesca Solleville, chanteuse-interprète engagée des années 60 à 70 qui reprit beaucoup de chants de la commune, la chante par exemple.  Ecrite au moment du siège de Paris, c’est une chanson qui se moque de l’empereur Napoléon III et des militaires qui conduisirent les Français à la guerre.

Le sire de Fish Ton Kan, extrait de La Commune en chantant, collectif, 1971.

Anouk : c’étaient des chansons très situées dans leur temps du coup. Est-ce que d’autres chansons ont été oubliées ?

Mymytchell : Oui, à l’époque on écrivait plus sur la vie quotidienne. Il y en a une, qui date aussi du siège, qu’on croise de temps à autre : c’est Paris pour un beefsteak. Celle-ci est paru dans le journal du révolutionnaire Auguste Blanqui, La Patrie en danger. Blanqui et ses partisans sont très actifs durant la Commune. Cette chanson est assez drôle je trouve, malgré la situation dramatique dans laquelle étaient les parisiens. Elle s’en prend à Thiers et ses amis qui préparaient la capitulation, idée insupportable aux Parisiens et qui fait partie des raisons pour laquelle La Commune a eu lieu. Les Parisiens s’étaient sacrifiés, il était hors de propos pour eux qu’on « vende Paris », comme le dit la chanson.

Paris pour un beefsteak dans la version d’Armand Mestral de l’album La Commune en chantant, Collectif. 1971.

Anouk :

« Moi, j’aime mieux la sauce aux échalotes…

Pour un beefsteak, messieurs, rendons Paris.

 

Mymytchell : Si tu me permets, je voudrais t’en présenter une dernière, qui est moins « située ». On l’a appelée « La Marseillaise des Communards ». Elle reprend l’air de la Marseillaise de 89, une autre référence des Communards.

Ensemble :

« Français ! Ne soyons plus esclaves !
Sous le drapeau, rallions-nous,
Sous nos pas, brisons les entraves,
Quatre-vingt-neuf, réveillez-vous(bis)
Frappons du dernier anathème
Ceux qui, par un stupide orgueil,
Ont ouvert le sombre cercueil
De nos frères morts sans emblème.

Chantons la liberté,
Défendons la cité,
Marchons, marchons, sans souverain,
Le peuple aura du pain. »

La Marseillaise de la Commune par les 4 barbus, 1970.

Anouk : On aurait donc pu avoir d’autres paroles à la Marseillaise ! Elles font moins guerrières celles-là.

Mymytchell : Oui, C’est intéressant cette création parce qu’elle arrive finalement avant la 3e république qui va inscrire et dévoyer les chants révolutionnaires de 89. La marseillaise deviendra l’hymne national en 1879 ; Pour les Communards, tout ça, était encore vivant. Aujourd’hui dans les manifs, on écrit des paroles sur des airs de Joe Dassin ou de kop de supporters de football, à l’époque, c’était sur les airs des révolutions. La chanson dit sûrement aussi quelque chose de nos époques.

«On ira, ensemble bloquer le rectorat »

 

Sur une idée d’Anouk Colombani

avec Anouk Colombani et Mymytchell

Montage et Mixage : Léa Noilhan

Au Piano : Mymytchell, sauf les 1ères notes de l’Internationale par A. Colombani

Extrait audio de La Commune par Peter Watkins

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