21 Mai 2020 Hôpital Robert Debré, Semaine Sanglante pour luttes hospitalières
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Nous sommes le 21 mai 2020, 149eme anniversaire du début de la Semaine Sanglante. Le 21 mai 1871, les Versaillais entraient dans Paris alors que l’assemblée communarde se réunissait pour la dernière fois.
A lieu ce 21 mai un rassemblement pour demander des moyens pour les hôpitaux devant l’hôpital Robert Debré, dans le XIXe arrondissement de Paris. Arrondissement qui s’est urbanisé, densifié et partiellement gentrifié depuis 149 ans. Sans compter le périph , qui bien sûr n’existait pas, qui longe l’hôpital. Près de 500 personnes, je dirais, sont réunies. Masques et gel hydraulique sont là. On tient plus ou moins les distances de sécurité. Il y a aussi beaucoup de CRS dont on se demande sérieusement le pourquoi de la présence.
La date fait résonance avec la Commune, mais il y a autre chose. Cet hôpital pour enfant date de 1988, il accueille à la fois des mères aux grossesses difficiles, des bébés prématurés ou malades, puis des enfants aux pathologies diverses. C’est bizarre parce que la dernière fois que j’ai pensé à Debré, c’est en lisant le témoignage de la communarde Victorine Brocher (republié par les éditions Libertalia en 2017 mais trouvable sur Gallica). V. Brocher y raconte la mort de son premier fils à l’âge de 4 ans, puis de son deuxième très jeune aussi quelques jours avant le début de la Commune. Après la mort de son deuxième fils, alors que le corps est encore avec elle, elle écrit : “si je détache mon sentiment égoïste de mère, je pense qu’il a assez vécu, d’autres malheurs l’attendaient sans doute. Dans ces années néfastes, la vie était si triste.” Juste après, V. Brocher se lance corps et âme dans la Commune pour laquelle elle sera vivandière d’un régiment.
Inconsciemment, je disais donc que j’associe cet hôpital à Victorine Brocher. Je le fais je crois parce que mon petit a passé près de deux mois à Debré, après une naissance très prématurée une nuit de décembre. Quels liens peuvent exister entre une mère de la seconde moitié du XIXe siècle et une mère aujourd’hui ? L’expérience d’être mère a changé avec les années. Elle a notamment changé parce qu’existent des services publics qui ont collectivisé la prise en charge des enfants, et au centre de notre rencontre avec V. Brocher, il y a la question de leur survie déjà – le taux de mortalité infantile s’est effondré en 150 ans. Il y a aussi eu l’apparition de lieu collectif de gestion des enfants : les PMI, les crèches, les assistantes maternelles… Et en même temps, la fermeture des espaces collectifs divers liée au COVID 19 a renvoyé beaucoup de femme à une solitude de mère, sans qu’elles puissent néanmoins réactiver des solidarités qui étaient celles des femmes au XIXe. Victorine parle aussi de l’aide que sa mère lui apporte et de l’accueil d’un autre enfant chez eux pour aider une autre mère.
Cela me renvoie à l’égoïsme de la mère dont parle Victorine. Peut-être que ce qui fait leur expérience commune à ces mères, c’est de porter sur leurs épaules le poids du présent et du futur de leurs enfants. Brocher estime que son enfant n’aurait connu que souffrances, paroles de consolation pour elle-même ? Peut-être, mais il demeure néanmoins cette nécessité de lutter pour que le mieux advienne, sans quoi être parent (mère comme père) n’est effectivement qu’un exercice égoïste.
Toutes ces réflexions ont été coupées, car je ne suis pas la seule à associer Commune et Debré, mais cette fois c’est la lutte qui ressort. A la fin des prises de parole, qui ont égrainé la lente destruction de l’hôpital public, les soignant-e-s nous ont offert une goguette sur l’air de la Semaine Sanglante. On nous précise que cette adaptation est écrite par Anne. Sur le tract, on fait référence àJ.B Clément (le communard qui est l’auteur du Temps des Cerises). S’il est bien l’auteur des paroles de la Semaine Sanglante, nous devons préciser sur ce site qu’en réalité, Clément l’avait déjà adapté du Chant des Paysans de Pierre Dupont, chanson écrite en 1850 dans la foulée des événements de 1848. Y en a des fils à tirer pour un 21 mai.
Devant Debré, le 21 mai 2020
Merci à Cécile pour l’envoi du texte.
Sauf directeurs et première dame,
On ne voit plus dans les hostos
Que des soignants tristes en larmes
Qui ont le moral à zéro
Le quotidien c’est la misère
Quand des patients et leurs marmots.
Arpentent les hôpitaux déserts
En quête de soins pour tous leurs maux
Oui mais ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront
Et gare ! A la revanche !
Quand tous les hostos s’y mettront
Et les usagers gronderont
On traque, on compte, résultats
En un mot rentabilité
Ondam, Infâme, T2A
Ont tué l’hospitalité
Rachat de dette, c’est du blabla
ça ne devrait pas exister
Pour tous, la santé c’est un droit
Et on va s’battre pour la garder !
Oui mais ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront
Et gare ! A la revanche !
Quand tous les hostos s’y mettront
Et les usagers gronderont
Salaires indignes, sous effectifs
Travailler sans humanité
Toujours les mêmes sacrifices
Font fuir les plus déterminés
Ici et là, on transfère à tout va
Loin de chez eux les nourrissons
On préfère fermer les réas
que de parler de démissions
Oui mais ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront
Et gare ! A la revanche !
Quand tous les hostos s’y mettront
Et les usagers gronderont
Un jour, c’est sûr ça va craquer
On met les patients en danger
Si l’président nous écoutait
Nos hôpitaux seraient sauvés
Alors un jour, on gagnera
Le soins, son sens retrouvera
Ensemble, l’hosto on l’retrouvera
L’espoir est là, nous on y croit
Oui mais ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront
Et gare ! A la revanche !
Quand les usagers nous rejoindront
Quand les usagers nous rejoindront