18 mars – Les femmes sont là

Des femmes partout

Des femmes le 18 mars, on en trouve partout. La Commune n’a pas commencé soudainement, tel le grand soir, à cette date. Les femmes étaient déjà présentes dans la lutte contre l’Empire (qui dure de décembre 1951 à début septembre 1870), puis lors du siège (mi-septembre 1870 – fin janvier 1871). Des militantes se sont rencontrées, des liens se sont noués. Des femmes ont parlé, d’autres les ont écoutées. Elles ont débattu et ne sont pas toujours pas d’accord sur ce qu’elles doivent revendiquer, mais elles participent à la vie politique. Le siège a été l’occasion pour nombre d’entre elles de rejoindre des bataillons de la garde nationale comme cantinière ou ambulancière. L’armistice entre la France et la Prusse, signé le 28 janvier, a laissé Paris meurtri. Son peuple ne veut pas pour autant en rester là. Ça fourmille de partout et la garde nationale qui n’a pas été démantelé devient un foyer révolutionnaire pour la défense de la République. Le comité central de la garde nationale est fondé. Il fédère les fédérés.

Mais entrons, en ce qui nous concerne, dans l’activité des femmes à partir de ce 18 mars. Et qui de mieux pour le faire que Louise Michel. Pas uniquement parce que c’est Louise Michel, mais parce que la communeuse, qui a écrit ses mémoires en 1898, demeure la principale source pour connaitre les femmes. Elle les cite, elle en parle, elle y est attentive tout en écrivant une œuvre sur la Commune.

Les femmes du 18 mars.

Louise Michel était dans l’arène ce 18 mars 1871. Dans la nuit, elle se rend pour une communication à un poste de garde au 6 rue des Rosiers (XVIIIe arrondissement), où veille le 61e bataillon de la garde nationale. Elle y reste. Elle raconte que trois hommes suspects tentent de s’y introduire. Le 3e y parvient. Laissons la raconter la suite de l’histoire.

« Le poste est surpris sans que le coup de canon à blanc qui devait être tiré en cas d’attaque ait donné l’éveil, mais on sentait bien que la journée ne finissait pas là.

La cantinière et moi nous avions pansé Turpin en déchirant notre linge sur nous, alors arrive Clémenceau qui ne sachant pas le blessé déjà pansé demande du linge. Sur ma parole et la sienne de revenir, je descends la butte, ma carabine sous mon manteau, en criant : Trahison ! Une colonne se formait, tout le comité de vigilance était là : Ferré, le vieux Moreau, Avronsart, Lemoussu, Burlot, Scheiner, Bourdeille. Montmartre s’éveillait, le rappel battait, je revenais en effet, mais avec les autres à l’assaut des buttes.

Dans l’aube qui se levait, on entendait le tocsin ; nous montions au pas de charge, sachant qu’au sommet il y avait une armée rangée en bataille. Nous pensions mourir pour la liberté.

On était comme soulevés de terre. Nous morts, Paris se fût levé. Les foules à certaines heures sont l’avant-garde de l’océan humain.

La butte était enveloppée d’une lumière blanche, une aube splendide de délivrance.

Tout à coup je vis ma mère près de moi et je sentis une épouvantable angoisse ; inquiète, elle était venue, toutes les femmes étaient là montées en même temps que nous, je ne sais comment.

Ce n’était pas la mort qui nous attendait, sur les buttes où déjà pourtant l’armée attelait les canons, pour les joindre à ceux des Batignolles enlevés pendant la nuit, mais la surprise d’une victoire populaire.

Entre nous et l’armée, les femmes se jettent sur les canons, les mitrailleuses ; les soldats restent immobiles.

Tandis que le général Lecomte commande feu sur la foule, un sous-officier sortant des rangs se place devant sa compagnie et plus haut que Lecomte crie : Crosse en l’air ! Les soldats obéissent. C’était Verdaguerre qui fut pour ce fait surtout, fusillé par Versailles quelques mois plus tard.

La Révolution était faite. »

Les femmes étaient nombreuses donc ce 18 mars. Et pour sûr, elles étaient souvent couturières ou blanchisseuses, sans compter tout un tas de métiers comme passementière, cartonnière, giletière, crèmière, concierge… Il y avait sûrement d’autres mères et filles. Dans l’imaginaire collectif, on associe d’ailleurs souvent le 18 mars aux femmes. Les soldats n’osèrent tirer sur des femmes. Certes. Mais c’est aussi que sorties d’un siège terrible, où elles étaient cantinières, ambulancières, travaillé dans des ateliers de confection. Combien perdirent un enfant comme Victorine Brocher, dont le fil meurt le 13 mars ? [Voir ses Souvenirs d’une morte vivante]

Les femmes avaient gagné leur galon de citoyenne. Elles vinrent se rappeler à l’armée ce 18 mars. Elles étaient prêtes à en découdre, mais l’armée a cédé. La Révolution pouvait commencer.

Le conte Il faut venger Gervaise s’ouvre précisément sur ce peuple en liesse avec le RAP de Zeta, Ici c’est Paris .

Illustration : Hélène Maurel

 

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