Vendredi 14 avril 1871 – Des femmes partout dans le Cri du Peuple

Dans Le cri du peuple du Vendredi 14 avril 1871, on voit des femmes dans toutes les colonnes.

En gras, les extraits du journal.

« La Commission exécutive a informé les délégués aux mairies qu’ils n’avaient, quant à l’indemnité accordée aux femmes des gardes nationaux à faire aucune distinction entre les femmes légitimes et les femmes dites illégitimes, vivant maritalement. »

La Commune est donc obligée de prendre des mesures de justice concernant les familles non mariées. On assiste à une vraie révolution, de par le code civil napoléonien, était reconnu comme Enfant, que les enfants issus d’un mariage, par extension une « femme de » était nécessairement son épouse. Pour bien comprendre la portée d’une telle mesure, nous pouvons la faire résonner avec ce que pourrait être une Commune qui décréterait la reconnaissance des enfants issus de couple lesbien ou gay, sans en passer par les procédures actuelles  bureaucratique, discriminatoires et violentes de reconnaissance via les tribunaux, les adoptions, etc.

« Un chef de pièce du fort d’Issy est venu dans nos bureaux pour nous faire l’éloge d’une toute jeune cantinière qui pendant l’attaque de jour a combattu vaillamment. Cette cantinière presqu’une enfant est engagée volontaire au 137e bataillon. Elle appartenait auparavant au 9e. Avec une crânerie mutine, elle n’a cessé de mettre le feu à un canon, malgré la pluie d’obus partie de Châtillon, qui tombaient autour d’elle. Nous nous joignons au chef de pièces pour la féliciter hautement. Le patriotisme des femmes rendra-t-il enfin le courage aux lâches qui se cachent dans les caves et refusent de s’exposer au feu des chouans ? »

« La citoyenne Louise Michel qui a combattu si vaillamment aux Moulineaux, a été blessée au fort d’Issy. »

Les femmes sont donc déjà au combat, ce que la Commune ne reconnait toujours pas officiellement, voir ci-dessous. C’est au début du mois d’avril que les Versaillais attaquent le fort d’Issy.

 

« SOUSCRIPTION

Pour les dons fraternels et patriotiques destinés aux familles des blessés et des morts

3e liste

La famille Masson, 2 fr. – La citoyenne Jeannerod, 2fr. – Le citoyen Rolle, 1fr. – Le citoyen Clauzard, 25c. – Une anonyme, 5fr. – Total, 10 fr, 25c. »

Les femmes participent donc aux quêtes solidaires. Ce qui nous donne aussi de noms de parisiennes engagées à leur façon : Mme Masson (peut-être même ya-t-il des filles dans la famille Masson ?), Mme Jeannerod, et une anonyme, expression qui revient souvent dans les quêtes. Une anonyme qui a pourtant donné une somme assez conséquente : 5fr, soit plus du double du salaire moyen par jour qu’une femme recevait à l’époque.

« J’ai lu avec plaisir ce matin dans votre numéro du jour, l’article de Madame André Léo. Oui la majorité des femmes de paris voudrait prendre part à la lutte. J’ai proposé ces jours-ci à la Commune de Paris de faire appel aux citoyennes dévouées pour le service des ambulances : mon appel n’a pas été entendu, les citoyens membres ont trop d’occupation.

C’est pourquoi je proposerais à la citoyenne André Léo de prendre avec le concours des citoyennes Louise Michel, de Rochebrune et quelques autres, l’initiative de cette organisation, après en avoir obtenu l’autorisation du citoyen Cluseret.

Elle formerait un comité de citoyennes, dont la moitié organiserait le servie des postes de secours aux blessés, sous le contrôle de l’autorité médicale.

Les autres membres du Comité organiseraient le service des fourneaux ambulants, cela, ainsi que l’action armée, sous le contrôle des chefs militaires.

Si la citoyenne André Léo acceptait ma proposition, je me mets à sa disposition.

Vve Leroy, 19 rue Monge »

Des femmes s’organisent, se solidarisent les unes aux autres, loin de l’image qu’on donne des concurrences permanentes que les femmes auraient les unes contre les autres.

La veuve Leroy est une communarde peut connue, mais dont on peut trouver quelques traces Elle bénéficie d’une notice dans le Maitron [dictionnaire du mouvement ouvrier]. Malheureusement cette notice s’intéresse surtout à sa vie sexuelle. 

Marie Leroy, née Marie Spinoy, en 1840 appartient à une famille de Républicain. Elle est mariée jeune et devient veuve jeune. Elle a frère, qui sera lui aussi communard , Adolphe Spinoy. Il semble mourir pendant les combats des derniers jours.

Marie Leroy dame a juste 20 ans en 1871, mais a déjà des lettres qu’elle a rédigé publiés dans des journaux pendant le siège, notamment dans La Patrie en Danger [un journal blanquiste]. Elle y fait alors l’apologie de la guerre contre la Prusse, dénonce les faibles moyens donnés par le gouvernement et appelle à des souscriptions pour armer les bataillons. On peut le savoir grâce à un lien à droite sur l’article du Maitron, qui renvoie à un article de Michèle Audin, dans lequel elle publie les lettre de Marie Leroy. On se demande pourquoi le Maitron n’a pas intégré ces éléments directement dans son article…

Pendant La Commune, la veuve Leroy semble avoir participé à un comité de Dames dans le VIIe arrondissement, où elle vit avec un communard Raoul Urbain, rencontré durant la siège. C’est un instituteur, républicain, qui s’est fait élire le 26 mars à l’assemblée communal et participe à la commission de l’enseignement dirigée par Edouard Vaillant. Ce comité des dames s’occupe de la prise en charge des orphelinats créés pour accueillir les enfants des gardes nationaux.

De Marie Leroy, on a trace du visage, car elle semble avoir été deux fois prises en photo par Ernest Appert. Une fois en 1870, elle porte alors le voile noire de la veuve et une fois à la prison des chantiers de Versailles. Elle fut d’ailleurs déportée en Nouvelle Calédonie, où elle semble s’être remariée.

En 1870. Portrait : Ernest Appert.

“Portrait de Mme Marie Leroy (a pris part à la Commune). Carte de visite. Photographie d’Ernest Charles Appert. Tirage sur papier albuminé. 1871-1871. Paris, musée Carnavalet.”

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *