Si la Commune nous était contée (1) – les Grandes réunions de 68 et les grèves ouvrières

Si la commune nous était contée – (1) – les Grandes réunions de 68 et les grèves ouvrières

Il était une fois un peuple, le peuple de Paris, qui voulait prendre son autonomie. Il réclamait des franchises communales, c’est-à-dire une forme d’indépendance de la ville, qui se fédérerait avec d’autres villes franchisées. Ce peuple était multiple, il rassemblait des ouvriers et ouvrières aux savoir-faire divers, certains s’y disaient socialistes, d’autres patriotes, certains se fichaient de tout. Un jour appelé le 18 mars, il s’insurgea. Puis il s’organisa pour vivre mieux et heureux mais la réaction appelée Les Versaillais ne l’entendit pas de cette oreille. 66 jours après l’insurrection, Versailles entra dans Paris, tua et arrêta le peuple.


Les Grandes réunions de 68

Ce peuple de Paris vivait avec la mémoire de la Révolution de 1789, et la proclamation d’une Commune de Paris en 1792. Il vivait avec la mémoire de la Révolution de 1848, et des terribles massacres perpétrés en Juin de la même année, contre ses ancêtres.

Durant 20 ans, ce peuple avait été soumis au terrible joug d’un empire : l’Empire de Napoléon III [1851 – 1870]. L’Empereur avait lâché du lest en autorisant des coalitions [en 1864], les réunions publiques [en 1868] et d’autres choses, mais la terreur restait de mise et nombres d’opposants connaissaient le cachot, la moitié du peuple – appelée les femmes – était soumise à un terrible code civil, qui consacrait son infériorité vis-à-vis de l’autre moitié : les hommes. Le peuple connaissait une exploitation économique forte, travaillant souvent dans des conditions terribles pour de maigres revenus, qui ne permettaient pas de vivre.

Les réunions publiques furent un grand et magnifique mouvement. Des milliers de personnes s’y réunissaient, notamment, dans une salle appelée Tivoli-Vauxhalles. On avait besoin de parler, il existait alors chez ce peuple, parmi les ouvriers et les ouvrières une soif de savoir et de débattre.

« Situation de la femme dans la société actuelle – constitution de la famille d’après la conception moderne du droit et de la morale – rapports du capital et du travail – transformation des banques – organisation de l’échange et du crédit – détermination de l’assiette équitable de l’impôt – organisation actuelle de l’assistance publique, et critique qu’elle soulève – critique de l’organisation judiciaire, examen et critique des pénalités en usage, etc. …

Tels furent les sujets mis en discussion dans les diverses réunions populaires, du mois de juin 1868, au 4 septembre 1870. »

Gustave Lefrançais, instituteur réprimé,

Opposant à l’Empire et Communeux

Le peuple des femmes – peut-on dire La peuple ? – surtout s’était emparé de ces réunions. Soumises à ce code civil injuste, qui les consacrait donc inférieures, exclues du mouvement dit socialiste qui les considérait comme inférieures aussi, elles venaient réclamer leur dû pour mieux le prendre le moment venu.

« Depuis trois semaines environ, le nouveau droit de réunion s’exerce sur divers objets, dont le plus intéressant est la question du travail des femmes ; trois séances y ont été déjà consacrées. L’assistance est nombreuse ; les femmes s’y mêlent aux hommes ; le bourgeois à l’ouvrier.

On retrouve là, renouvelée sans doute, mais toujours aussi ardente et convaincue, cette partie de la population qui, – tandis que les uns s’affaissent, découragés sous le poids de leurs misères ; que les autres se renferment dans les préoccupations avides du gain personnel, immédiat, – confiante aux puissances de l’esprit, de la science et de la vie, en appelle aux maux présents aux réformes futures, et s’efforce bravement de les découvrir, à l’ide des forces mises en commun du bon sens, de l’étude et de l’expérience. »

André Léo,

Journaliste et écrivaine,

Obligée de signer d’un nom d’homme

Communeuse

 Les Grèves

Les peuples de France, dans leur ville respective, se préparaient. Des grèves avaient lieu ici ou là. A Marseille, des fondeurs en métaux ou Creusot les ouvriers des usines Schneider [Janvier 1870], mais aussi à Toulouse où 1200 cigarières – des ouvrières qui fabriquent les cigarettes et les cigares – déambulèrent dans les rues sous les yeux éberlués des bons hommes pour obtenir des augmentations de salaire ou la journée de 8 heures, à la Ricamarie ou à Aubin où des mineurs furent assassinés, par des troupes envoyées contre les grévistes qui demandaient aussi la journée de 8 heures. Et à Paris bien sûr où de nombreuses corporations (les mégissiers, les bronziers, les ouvriers-boulangers, les blanchisseuses…) menèrent des mouvements pour réclamer d’autres conditions de travail – meilleures – et des salaires décents. Les plus exaltés revendiquaient même des coopératives dans lesquelles les ouvriers pourraient récupérer le fruit réel de leur travail.

Ouvriers et ouvrières disaient quelque chose de simple, qu’on pourrait formuler ainsi : “Nous sommes majeurs, nous ne sommes pas des enfants qui avons besoin de patrons pour décider de nos vies.”

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