Dimanche 21 Mai : Et la musique s’arrêta
Dimanche 21 Mai : Et la musique s’arrêta
Ce dimanche 21 Mai 1871, dans Paris, se donne à voir un drôle de grand écart. Du côté de la porte de Saint Cloud, les Versaillais bombardent pour faire tomber les défenses, aux Tuileries, on chante, on donne le concert.
« A deux heures et demie, sous les ombrages des Tuileries, il y avait un concert monstre au bénéfice des veuves et des orphelins de la Commune. Les femmes en toilette de printemps diapraient les allées vertes. A deux cents mètres, sur la place de la Concorde, les obus versaillais jetaient leur note croassante à travers la joie bruyante des cuivres et le souffle bienfaisant de prairial.
A la fin du concert, un officer d’état-major monta sur l’estrade du chef d’orchestre : « Citoyens, M. Thiers avait promis d’entrer hier dans Paris ; M ; Thiers n’est pas entré ; il n’entrera pas. Je vous convie pour dimanche prochain, ici à la même place, à notre second concert au profit des veuves et des orphelins. »(Histoire de la Commune, Lissagaray. p. 310)
Michèle Audin a écrit sur son blog sur le concert du 21 mai ici. Elle précise qu’il est dirigé par un certain Delaporte avec un orchestre composé de Gardes Nationaux. Elle nous donne aussi le prix du concert, 50cts. Qu’est devenue la recette de ce dernier concert ? Nul ne sait probablement. Quant aux veuves et aux orphelins…
Chantait-on parce qu’on y croyait ou pour y croire malgré tout ? On a oublié que les musiciens ont été très présents pendant la Commune. Il y a les chanteuses comme Rosa Bordas (il semblerait qu’elle chantait le 21 mai aux Tuileries), il y a les auteurs comme JB Clément ou E. Pottier qui siègent à l’assemblée de la Commune. Il y a la fédération artistique, une sorte de syndicats des musiciens, qui gèrent justement l’organisation des concerts de soutien et dont certains membres créent des chansons politiques pour la Commune. Ces musiciens sont souvent engagés sur un terrain militant, ce temps ne connait pas de distinction entre l’artiste et le militant. Les musiciens ne font pas que de la musique, ils sont aussi dans les bataillons. Il existe même un bataillon de musicien.
Peu importe pour ce 21 Mai, car les obus versaillais, puis les troupes ont mis fin à la musique. Cette musique qui est omniprésente depuis le 4 juillet, et qui reprendra sa place dans les geôles versaillaises. Louise Michel a une drôle d’expression, elle parle de « Danse des Bombes ». Elle emploie une première fois cette expression alors qu’elle est postée au Fort d’Issy. Elle lui inspirera ensuite un poème. Une militante de la musique Michèle Bernard en a même fait une chanson, que les chorales adorent.
Mais soyons honnête ce qui arrive à partir du 21 Mai, ne se met pas en musique. Ce 21 Mai 1871, les “Versaillais” entrent dans Paris par la porte du point du jour (à proximité actuelle de la Porte de Saint-Cloud). Dès lors les bombes n’ont pas dansé, elles ont tué. Ou plutôt elles ont assassiné. « A bas les Assassins » comme disent les communards. Le terme est important.
Alors oui on peut chanter la mort, la souffrance, mais on ne chante pas le massacre et surtout pas pendant. Le propre du massacre, c’est précisément qu’il fait disparaitre ce qui fait humanité. Or la musique est humaine ou n’est pas. Elle rassemble, elle rend digne, elle lutte. Tout ce que Thiers, Gallifet et leurs lieutenants de mort ont précisément voulu éliminer.
« Parmi les souvenirs joyeux de nos prisons, est la chanson La Badinguette chantée un soir à pleine voix par cette masse de prisonnières que nous étions aux chantiers de Versailles, entre deux lampes.
Les soldats qui nous gardaient et pour qui l’Empire durait encore, eurent à la fois épouvante et fureur. » Louise Michel, La Commune.