Jean Claude Bauer et Marie-Jeanne Gantou-Bauer se voient une dernière fois le 23 mai 1942
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Le 23 mai, à quelques heures de l’exécution, Jean-Claude Bauer et Marie Jeanne Gantou – Bauer se voient une dernière fois.
Avant d’être une rue de Saint-Ouen, puis le nom d’un stade de football (associé au club du Red Star), Jean Claude Bauer était un militant communiste, un médecin, installé à Saint-Ouen. Mobilisé en 1940, Il entre en résistance en participant aux comités d’intellectuels, imaginés par le parti communiste et impulsés par le philosophe George Politzer avec l’aide de la dirigeante Danièle Casanova.
Il collabore au journal Le médecin français. Dès le 1er numéro d’avril 1941, un journal rassemble les médecins en résistance et s’adresse au monde médical. Le collectif y dénonce la conception nazie de la médecine, y suit les arrestations de médecins opposés au régime et suit les évolutions de la guerre.
Jean Claude Bauer s’était attaché à Saint-Ouen en 1937. Il y vit avec sa compagne Marie Jeanne Gantou (devenue Bauer). Elle aussi participe à la résistance. Ils sont tous deux arrêtés en mars1942. Lui le 1er et elle le 6 et enfermés à la prison de la Santé. Placée au secret, elle revoit une dernière fois son mari juste avant sa mort le 23 mai 1942, pour se dire adieu. Il est fusillé quelques heures plus tard au Mont Valérien.
Le 24 août 1942, elle est transférée au fort de Romainville. Transférée le 22 janvier 1943 à Compiègne, elle est déportée vers Auschwitz dans le convoi dit des 31 000 du 24 janvier – soit 230 femmes déportées, le premier convoi de résistantes, le seul qui ira vers Auschwitz – on y trouve aussi Danièle Casanova, Marie-Claude Vaillant Couturier, Charlotte Delbo, Maï Politzer…
Marie-Jeanne survit mais traverse nombre de maladies, elle se fait aussi tirer dessus par un soldat polonais devenu fou après la libération du camp. Charlotte Delbo écrit à propose de cet épisode : « la balle était passée dans la crosse de l’aorte et était ressortie sous l’omoplate, sans toucher ni coeur ni poumon. Marie-Jeanne a plaidé la cause du soldat : il n’a pas été fusillé. Elle savait qu’on peut être fou de douleur. »
Elle revient très handicapée physiquement (elle a quasiment perdu la vue) le 15 juillet 1945. La rue de la Chapelle de Saint-Ouen a alors d’ores et déjà pris le nom de son mari sur décision du comité local de libération.
Marie-Jeanne est élu au conseil municipal en 1947. Mais elle est exclue du parti communiste en 1949 pour, semble-t-il, avoir dit du mal du Parti. « Elle peine à se réadapter » puis « Elle fait de grands voyages » rapporte Charlotte Delbo dans son ouvrage Le convoi du 24 janvier. Marie-Jeanne quitte Saint-Ouen pour retourner en Aveyron d’où elle est originaire. Des années plus tard, elle témoignera de son parcours. Marie-Jeanne s’est elle réconciliée avec ses camarades ? En tout, cas en 1985, la maire communiste Paulette Fost fait apposer une deuxième plaque sur la maison des époux Bauer, rue Blanqui. La première datait de 1947, du vivant de Marie-Jeanne. L’autre a été ajoutée pour elle après son décès en mai 1984. Cependant il y a peu d’informations sur elle. Et personne ne semble jamais avoir pensé à renommer la rue du nom du couple. Et pourtant, la résistance était bien commune.
Cette mémoire raconte les écarts. A la fin de la guerre, on commémore les morts. Là où les vivants doivent reprendre la vie. Ecarts entre le traitement mémoriel entre homme et femme. A l’exception de figures comme Casanova, on pensera longtemps – et encore en partie aujourd’hui – les femmes comme de simples accompagnatrices de la résistance plus que comme des actrices à part entière.
Reste à poser la question : pourquoi ne renomme-t-on pas la rue et le stade au nom du couple ?