Et ils dansaient… Varlin

C’est Michèle Audin dans son livre sur les écrits d’Eugène Varlin qui cite Edouard Fribourg.

Fribourg, un garçon qui n’est pas suffisamment resté dans l’histoire pour avoir droit à un article wikipédia, mais on le trouve sur le maitron, on y apprend qu’après avoir participé à la fondation de la 1ere internationale, il fut anti-communard : Edouard Fribourg.

Pendant que Varlin et Limousin faisaient danser les deux jeunes filles de Karl Marx, celui-ci racontait à Tolain et Fribourg comment il avait voué une haine profonde à P.-J. Pourdhon,

On peut déduire que Varlin (et aussi Limousin) dansait, savait danser. Comme les ouvriers de son âge, il devait fréquenter les (nombreux) bals du Paris des années 1860 – les salles de bal devinrent de grandes salles de réunions publiques quand celles-ci furent autorisées.” p. 69.

C’est marrant parce que ça entre en résonance avec une remarque d’un autre biographe d’Eugène Varlin, Jean Bruhat, qui assène que :

“Toutes ses économies (dans les bonnes époques il peut gagner huit francs par jour) Varlin les consacre à acheter des livres. Nous sommes, avec lui, bien loin de cette bohême des déclassés dont, par souci du pittoresque, on a exagéré le rôle sous le second Empire. Il ne fume pas. Il ne hante pas les cabarets.” (p. 28)

Varlin savait donc danser, mais on ne sait s’il en profitait ou pas. En revanche il savait chanter et en avait même politisé sa pratique.

“Une des passions de Varlin c’est le chant et la musique. Il a d’ailleurs une belle voix de basse. Toujours avide de simplification, quel que soit le domaine considéré, il est séduit par la méthode Gabin qui remplaçait les notes par les sept premiers chiffres, méthode reprise par Emile Chevé et son fils Armand. Il adhère à la Société chorale de l’Ecole Amand-Chevé et publie dans La Tribune ouvrière  le compte rendu d’un concert de l’Ecole. Il participe à des concours de musique à Paris et en province.” p. 34

La lettre complète a été publiée par Michèle Audin sur son site : https://macommunedeparis.com/2018/09/17/eugene-varlin-chante-avec-armand-cheve-2/

A la fin, Varlin y précise ce qui était chanté par la chorale :

On a chanté ensuite la Retraite (Capitaine Henriot), de Gevaert ; puis Ijé Hrérourimi (langue slave) de Bortnianski. Ce chœur et Embarque ! Matelots, chantés, en division spéciale (hommes et femmes) au concours du Mans ont mérité la grande médaille d’honneur, qui était réservée pour la meilleure exécution chorale, sans distinction de division.

Dans la deuxième partie du concert, Mme Armand Chevé a chanté, avec le goût et le sentiment artistique qu’elle possède à un haut degré, d’abord le grand air de la Part du Diable, puis une charmante chanson du quinzième siècle.

Les chœurs : la Grenouille et le Bœuf, de Laurent de Rillé, et le Carnaval de Rome, d’Ambroise Thomas, ont été, je ne dirais pas seulement bien chantés, mais artistiquement interprétés, le sentiment, l’expression et parfois même le génie, venaient se joindre aux paroles et à l’harmonie pour faire, du Carnaval de Rome principalement, non plus un chœur, mais une véritable scène chorale. Ce résultat est dû principalement au directeur, M. Armand Chevé, artiste véritable et d’un talent très-original qui, au lieu de se borner à faire chanter parfaitement juste et à faire faire exactement les forte et les piano indiqués, a cherché à joindre à ce qui est écrit le sentiment et l’expression, généralement négligés.

La lecture d’un chœur à première vue a été faite avec assurance et entrain. Après avoir vu exécuter un pareil exercice, on comprend comment, l’année dernière, la Société Armand Chevé a pu se présenter en 3e division à Saint-Denis le 8 mai ; le 16 à Melun en 2e ; enfin à Lyon, le 21 du même mois, en 1re, et remporter le premier prix dans ces trois concours, augmenté, à Lyon, d’un prix de lecture à vue.

Cela est tout simple, grâce à leur méthode, les « galinistes » ont appris et poli les chœurs, alors que les musiciens de la portée en sont encore à épeler.

La séance s’est terminée par le joli chœur de Madrid, de Gevaert (voix d’hommes et de femmes). Quiconque a entendu chanter ce chœur par des hommes seuls, ou avec des femmes, doit reconnaître que l’art musical gagnerait beaucoup à l’introduction des femmes dans la généralité des sociétés chorales.

Les plateformes de vidéo en ligne ne fournissent pas d’exemples de ces chansons. Autant de chœurs donc qu’il va nous falloir chercher…

 

Eugène Varlin, Ouvrier Relieur 1839 – 1871, Écrits rassemblés et présentés par Michèle Audin, Libertalia, 2019.

Bruhat Jean, Eugène Varlin, Militant ouvrier, révolutionnaire et Communard, Editeurs français réunis, 1975

 

Image : Peinture d’Auguste Renoir, Danse à la ville, 1886

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